Architecture moderne et modernisme

L’architecture moderne est un mouvement architectural majeur, connu pour ses conséquences considérables sur le XXème siècle et l'architecture de manière générale.
Les architectes veulent traduire le dynamisme de leur époque. Pour ce faire, le rationalisme et le fonctionnalisme sont les maîtres mots du mouvement. En effet, la forme doit maintenant servir la fonction et correspondre à un besoin : nous rentrons dans l'esthétique de la machine. Seuls les "besoins" guident l'architecture ; l'ornementation et la décoration sont considérées comme un crime. L'architecture doit améliorer la vie quotidienne des masses et non être un exercice de style. Tout ici est en totale rupture avec le passé. La conception est entièrement nouvelle, dépourvue des réminiscences d'une architecture antérieure.

 La révolution industrielle

 Nommée aussi mouvement moderne, l’architecture moderne se voit être le résultat du développement technique ayant pris naissance au XIXème siècle de par l’apparition de nouveaux matériaux tels le fer, l’acier, le béton, le verre et l’aluminium, qui tous ont conduit à l’invention de nouvelles méthodes de construction. En somme, c’est autre que la révolution industrielle qui est à l’origine de ces grands changements. Si ces changements touchent le monde technique, ils n’en sont pas moins sociaux-culturels et affectent alors l’agriculture, l’économie, le droit, la politique, l’environnement, finalement, la société. En effet, l’époque tend vers un désir de société nouvelle et l'industrie moderne introduit d’innovantes méthodes de travail. L’on peut naturellement citer les usines Ford dont les fameuses méthodes de travail seront appelées : fordisme, ou travail à la chaine. En outre, le terme plus général de
« modernisme » est associé de la même manière à cette période. S’il comprend l’architecture il comprend également les arts tels la peinture, la sculpture, la musique, la littérature ou encore la photographie.

 Les origines du mouvement moderne

 La défense du fonctionnel est la première des sources du modernisme. L'architecture et les arts industriels pour la masse doivent être fonctionnels : il est d'une importance primordiale qu'ils soient acceptables et d'un bon fonctionnement pour tous. Une chaise inconfortable qui est malgré tout une oeuvre d'art n'est que la dilettante qui pourra préférer ses qualités esthétiques à son utilité.

 Augustus Pugin, architecte anglais né en 1812, écrivait à la première page de son plus important livre : "Il ne devrait pas y avoir dans un édifice de caractéristiques qui ne soient nécessaires pour la commodité, la construction ou la convenance... le plus petit détail devrait servir une fin et la construction même devrait varier selon le matériau utilisé." Bien que ceci fût écrit en 1841, ce n'était pas nouveau, c'était la continuité directe du rationalisme français du XVIIème et XVIIIème siècles. Les bases étaient posées : l'architecture ne devait pas être un spectacle, mais un service de sureté et commodité. Dès 1859, l'architecte anglais Philip Webb amenait les premières formes de construction moderne. Le concept de la maison, selon lui, devait être audacieux : les façades sont là pour refléter avec franchise le plan de la construction interne. Aussi, ses cheminées étaient exemptes de toutes allusions de style, entièrement fonctionnelles, représentant une exception à son époque, et annonçant le XXème siècle mieux que toute autre création dans ce domaine pour les trente années à suivre.

 En 1905, dans le hall de verre et d'acier de la Caisse d'Épargne de Vienne, Otto Wagner, architecte autrichien à renommée mondiale, atteindra son objectif : exprimer la vie moderne avec des matériaux modernes. La Caisse d'Épargne de Wagner n'est donc pas prophétique du XXème siècle, elle lui appartient dans son entièreté. Elle se détermine ici de la même manière que les premiers édifices construits par Adolf Loos et Joseph Hoffman. En effet, le palais Stoclet d'Hoffman démontre véritablement que le "style nouveau", en s'appuyant sur des angles droits francs, convenait aussi bien au luxe qu'à la fonction pure, pour les loisirs comme pour le travail. Pour faire une oeuvre fonctionnelle qui accueille néanmoins une part de beauté, mais qui a détruit toute tentative d'ornements, de moulures et de courbes, le secret de la réussite réside alors dans la beauté des matériaux et le jeu des proportions. Adolf Loos a lui aussi posé les bases du modernisme avec sa maison Steiner en 1910, à Vienne.

 D'autres oeuvres très importantes comme le palais en verre de Bruno Taut furent emblématiques lors de la première exposition du Werkbund. Le dôme prismatique de cette maison représente une forme originale et devient annonciateur des coupoles géodésiques de l'avenir.

 Une connexion avec l’Art nouveau

 Dans le monde de la verrerie, l'Art nouveau produit aussi bien des formes nouvelles qu'une décoration inédite. Parmi les pionniers, Eugène Rousseau créa des pièces comme le vase à décoration gravée et la jardinière en imitation jade, tous deux de 1884-1885. Ce qui façonnait l'Art nouveau était entre autres le fait de restreindre la décoration à des courbes sur des surfaces planes. Le style doit être soumis à la matière. Ici, l'Art nouveau se mêle et participe aux nouvelles mentalités qui imposèrent le modernisme.

 Les fondements du design moderne

 La première oeuvre importante du design moderne est une chaise dessinée par le peintre préraphaélite Ford Madox Brown, d'une conception remarquablement indépendante ; son ingéniosité : revenir à la simplicité des formes. Van de Velde, peintre, architecte et designer belge, participe aussi à l'avènement du modernisme en concevant des bureaux simples et fonctionnels.

 Mais la plus importante des contributions au design fût la fondation de Deutscher Werkbund en 1907, société où les architectes, décorateurs et fabricants se rencontraient. C'est ici que la nouvelle conception de l'Industrial design fût élaborée. L'origine anglaise de cette conception est rendue évidente par le fait que l'équivalent allemand du mot "design" n'existait pas, le terme fût donc adopté en anglais. De cette collaboration émane le concept : "l'emploi est si important que l'ornement est banni, il en ressort une noble simplicité". Intellectuels et artistes disserteront sur la question, tel Oscar Wilde qui affirmait : "Toute machine peut être belle... ne cherchez pas à la décorer".

 S'en suit alors une production de design moderne de 1912 à 1915 comme le service à thé de Riemerschmid, figure majeure de l'architecture et du design moderne, ou encore sa fameuse chaise pour musicien de 1899. L'Allemagne est alors à la tête du design industriel Européen. Le cas de Peter Behrens, architecte et designer, est aussi très marquant à cette époque en Europe : il est choisi pour appliquer les principes issus de la fondation Deutscher Werkbund à la construction des usines et magasins de l'A.E.G (Allgemeine Elektricitäts-Gesellschaft). Il dessine leurs produits et même leur papier à lettres, et est le premier de la lignée à annoncer les stylistes de diverses nationalités en Europe comme Gio Ponti ou encore Arne Jacobsen.

 De Stijl, mouvement artistique fondé en 1917 et à forte influence sur l'architecture et le design de la première moitié du XXème siècle, se fera promoteur de toute cette émergence de design et d'architecture. Le célèbre Gerrit Rietveld a grandement contribué à l'investissement de la Hollande et du Danemark dans le design grâce à sa fameuse chaise ; ces deux pays se mirent en effet à rechercher des formes simples et fonctionnelles pour les objets d'usages courant. Le Danemark sera, quarante ans plus tard, l'un des pays les plus importants dans le domaine des arts appliqués et de l'industrial design.

 Les grands acteurs de l’architecture moderne

 C’est dans les années 1920 que les plus importants acteurs de l’architecture moderne virent le jour. En effet, l’ouverture du Bauhaus de Weimar, école d’architecture et d’arts appliqués fondée par Walter Gropius met véritablement en forme les objectifs préalablement établis. L’architecte allemand est le premier à concrétiser les idées théoriques de ce début de siècle par la mise en construction de projets architecturaux. C’est ainsi que l’on passe des prémisses à l’ère de l’architecture moderne par la stricte application de ces maîtres mots : fonctionnalisme, rationalisme et originalité de la forme. L’homme est au coeur de toutes les attentions et tout est mis en oeuvre pour lui faciliter l’existence : l’apparition des baies vitrées apporte de la lumière aux individus. Ses plus grands projets seront le Bauhaus de Dessau et le Pan Am Building.

 Né Charles-Edouard Jeanneret-Gris, Le Corbusier est lui aussi une des principales figures si ce n’est la principale figure ayant réalisé des travaux aujourd’hui considérés comme des références. Nous n’en citerons que quelques-uns : la Chapelle Notre-Dame du Haut et la Villa Savoye. D’ailleurs, il parlait plutôt de Mouvement Puriste plutôt que de Mouvement Moderne. Il introduit l’utilisation d’un nouveau vocabulaire architectural exprimé par 5 principes : la toiture-terrasse, les pilotis, les fenêtres en longueur, la façade-rideau et le plan libre.

 Ludwig Mies Van Der Rohe, qui fut également directeur du Bauhaus, est un autre immense acteur de ces périodes. Il réalise un grand nombre de maisons, pavillons et villas allant du style prussien avec la maison Riehl, au modernisme, avec le Pavillon allemand de Barcelone. En termes de volumes, ses projets les plus importants sont naturellement les immeubles 860 et 880 Lake Shore Drive et le Kluczynski Federal Building.

 Le style moderne aura triomphé après la guerre lorsque les architectes imposèrent leurs premiers gratte-ciel de verre et d'acier. Durant cette période de l'histoire, architectes et designers acceptèrent leurs responsabilités sociales : l'architecture et la décoration devinrent par conséquent utilitaires et les bâtiments et objets d'usage courant furent conçus non seulement pour satisfaire les désirs esthétiques de leurs créateurs mais aussi pour réaliser, d'une manière complète et enthousiaste, leurs fins pratiques.