Entretien avec Nathan Brami

Pour une union entre Architecture et Design

Le 22/12/2022, édité par Livingstone

Nathan Brami

 Dans les bureaux de Nathan Brami de la rue du Faubourg Saint-honoré, à Paris, se déroule cette conversation avec ce jeune architecte sympathique et entreprenant qui nous fait part de sa singulière et enivrante vision du monde.

 Pouvez-vous revenir rapidement sur votre parcours ?

-    Alors, j’ai commencé très très tôt l’architecture. Vers mes treize-quatorze ans j’ai commencé dans les agences. C’était durant l’été. J’étais maquettiste, je servais des cafés… ce qui m’a permis de bosser rapidement dans des boîtes avant même de commencer mes études d’architecture. Je suis allé dans beaucoup d’agences, je bossais dans pleins de pôles différents, il y avait un peu de tout. Du coup, quand j’étais en étude d’architecture, je travaillais déjà en agence, et j’avais dix-huit ans. Je bossais chez Roland Castro, chez Jean Nouvel… vraiment des boîtes très différentes : certaines spécialisées dans les hôpitaux, d’autres dans les logements. J’ai aussi bossé sur le Grand Paris. Quand je suis sorti d’école j’avais donc une très forte expérience : vers vingt-quatre ans j’arrivais presque à bout d’une expérience professionnelle complète. J’ai donc commencé à bosser à temps plein dans des boîtes, et à côté j’avais des projets personnels. J’ai monté ma première boîte tout seul qui s’appelle Studio Temple, y’a dix ans. Et y’a cinq ans j’ai monté ma boîte actuelle.

 Comment avez-vous eu l’opportunité de travailler dans des agences dès vos treize-quatorze ans ?

-    J’allais les voir, je demandais si je pouvais leur servir des cafés. Je n’étais pas payé et ça les amusait d’avoir un petit jeune avec eux. Je faisais des maquettes et j’en garde de très bons souvenirs.

 De quoi avez-vous besoin pour avoir recours à votre créativité ?

-    De beaucoup de drogues… non pas du tout… (rires) En fait j’ai besoin de me lobotomiser pour arrêter de penser. En termes de créativité je n’ai pas de problème, sans prétention bien sûr, mais je pense toute la journée. Depuis tout petit j’ai envie de modifier l’espace. L’avantage qu’on a en tant qu’architecte, c’est d’être entouré d’un parc d’attraction à ciel ouvert quand on vit en ville. Encore plus à Paris où il y a une histoire. Mais je ne sais pas comment vient mon inspiration. Je sais que j’aime beaucoup la nature. En architecture le plus important c’est la lumière et quand on prend une plante, un arbre, n’importe quelle essence va chercher la lumière. J’essaie de savoir comment elle va chercher la lumière, pourquoi elle va la chercher, etc… Donc si on commence à s’intéresser à son entourage on peut tomber sur beaucoup de choses très intéressantes, très rapidement. Je me suis toujours dit qu’il n’y avait pas besoin de se taper dix-huit heures de bibliothèque par jour pour comprendre ce qu’il se passe. Tout est accessible autour de nous, il suffit d’observer. Je crois qu’Elon Musk disait : « Pas besoin de faire Harvard pour tout connaître, il suffit d’aller sur internet. » Pour nous c’est encore plus facile, il suffit de regarder autour de nous : une rue, la taille d’un trottoir, la hauteur d’un bâtiment, et on finit par comprendre les espaces. On a cette chance d’avoir ça gratuitement… mais je ne me souviens même plus de la question…

 Si vous aviez une source d’inspiration particulière ?

-    La nature, l’environnement, les sentiments, ma vie, mon caractère : si je suis content un jour, je ferais peut-être une architecture lumineuse ; si je suis plus triste, j’en ferais peut-être une plus maussade, plus sombre.

 Est-ce qu’il y a des éléments typiques qui vous représentent dans votre design, dans votre architecture ?

-    Je pense que ce qui devrait caractériser un architecte ou un designer, c’est justement de ne pas avoir de touche particulière, de savoir se renouveler. Pour ma part j’essaie d’être évolutif et intemporel.

Biomimetic tower, NYC

 Avez-vous une cible ou un client type pour qui vous réalisez vos projets ?

-    Les clients qui s’adressent à moi sont des promoteurs de logements, de bureaux, d’hôtellerie. Parfois ce sont des maisons individuelles, des résidences. Mais je n’ai aucune cible, l’idée c’est de toucher tout le monde. C’est compliqué car on ne peut pas plaire à tout le monde. Ce qui m’importe ce n’est pas le moment ou l’acquis, c’est le temps, de me dire 
« je marque l’architecture par le temps. » J’essaye, et je me plante souvent d’ailleurs…

 Quel architecte ou artiste vous inspire ?

-    Tous… En fait je n’ai pas d’architecte préféré, mais il y a une agence qui m’a toujours impressionné pour leur renouveau, c’est Herzog et De Meuron. J’aime tous leurs bâtiments et j’ai toujours été hyper touché, sans jamais savoir que c’était eux initialement. C’est toujours très différent : le contexte, le lieu, l’espace, la matière… Ils parlent mille langues. Je ne dirai même pas que ce sont mes préférés, mais ce sont eux qui m’étonnent le plus. Sinon j’aime beaucoup les japonais… les asiatiques sont très forts car ils ont un travail de matière en plus, et nous apportent une idée, une histoire différente. Nous, on est très minéral, tout le temps, par exemple à Paris il n’y a que de la pierre. Alors qu’eux ils peuvent apporter du bois, comme ça, dans un environnement où on se demande comment c’est possible. Quand Fujimoto débarque ça nous éclaire. J’ai aussi remarqué que les femmes, souvent, me touchaient plus. Je pense que c’est un métier où il y a eu tellement d’hommes que pour qu’une femme se démarque, elle doit être deux fois plus fortes qu’un homme. C’est injuste mais bon…

 Y’en a-t-il un que vous détestez ?

-    C’est un peu arrogant de dire qu’il y en a un que je n’aime pas alors que je suis un petit jeune. Bien sûr quand je vois une erreur sur un bâtiment je la note et je me dis : « t’as fait l’erreur pour moi… » (rires). Sinon je trouve que l’architecture d’intérieur est surcotée actuellement, par rapport à ce qu’est l’architecture de manière générale. On s’éclate de personnes qui sont très légères. Y’a pas mal de noms que je ne citerai pas mais qui reviennent souvent et c’est tout le temps la même chose. Tout le monde dit : « waah » alors qu’en fait c’est tout le temps la même chose, donc stop.

 Est-ce que vous différencieriez l’architecture d’intérieur de la décoration d’intérieur ?

-    Oui je la différencierai parce que j’ai ma patte d’architecte. Dans « architecte d’intérieur » j’entends « architecte ». Et la définition d’architecte d’intérieur je ne la comprends pas très bien, mais ça c’est tout     le problème de ce nom. Même moi aujourd’hui on me dit : « t’es architecte d’intérieur », et je réponds que non, que je suis architecte. Je dirai que dans l’architecture d’intérieur, il y a forcément l’agencement, alors que dans la décoration on ne touche pas l’espace. On l’embellit, on pose de la matière dessus, mais on ne change pas l’espace.

 Votre inspiration pour la table T+Tou que vous avez designé pour Livingstone ?

-    Elle est très basique et vient d’un projet perso. C’est une commande privée. On m’a demandé :
« j’aimerai une table conviviale, pas ronde, avec des détails, pratique, avec un pied central à la fois imposant mais léger, un plan de travail avec une matière plutôt noble, mais pas trop épais, invisible. » On   a un plateau en travertin, une matière avec pas mal de profondeur mais plutôt lumineuse, une épaisseur assez fine donc ça s’efface un peu. Un pied imposant en termes de volumétrie mais qui est totalement percé de lumière : il y a plus de vide que de plein. Un mélange de matières : on a du minéral et du bois.  J’ai voulu effacer le socle de la table en la miroitant, ce qui permet une réflexion, comme si les pieds traversaient le sol, comme si de loin on ai l’impression qu’elle vole. Ce n’est pas une inspiration sur une réflexion personnelle, ça venait d’une commande privée. C’est un produit qui marche assez bien, que beaucoup de gens recherchent en termes de dimensions, de proportions. Les matières  sont plutôt  simples et passent un peu partout, ça se mélange avec n’importe quoi, c’est sobre et plutôt neutre.

T+Tou

 Pourquoi ce nom T+Tou ?

-    Justement, car c’est une commande privée, c’est en référence à mon client.

 Quel conseil donneriez-vous à un jeune architecte ?

-    Y’a pas de victoire… encore une fois je suis jeune donc je n’ai pas encore ressenti le fond du métier.  On dit qu’on est un jeune architecte jusqu’à cinquante ans donc j’ai encore du temps. Je lui dirai de s’épanouir, et de ne pas écouter les autres, peut-être…

 Comment vous avez pris part à l’aventure Livingstone ?

-    Par leur fondateur, Christophe, on a fait pas mal de projets ensemble, j’ai designé ses deux premiers magasins à Garches et Sébastopol. On a des liens forts. Il montait une boîte de mobilier et m’a demandé  si ça m’intéressait. Je lui ai dit que ça n’était pas ma spécialité et qu’il valait mieux qu’il ai recours à des gens avec plus d’expérience que moi. Et comme il n’y a pas plus gentil que Christophe, il m’a flatté, m’a   dit : « j’aime ce que tu fais, lâche-toi. » On a dessiné pas mal de meubles ensemble. En ce moment on est sur des tables évolutives qui sortiront bientôt.

 Qu’est-ce que vous pensez de Livingstone aujourd’hui ?

-    Moi j’y crois. Ce sont deux frères qui viennent du monde de la pierre et qui de par leurs qualités et leur professionnalisme ont réussi à percer dans les cuisines et plein d’autres choses. Qui peut être mieux placé qu’eux pour percer dans le mobilier ? Ils cochent toutes les cases et en plus de ça sont passionnés, ils  iront jusqu’au bout. Livingstone j’aime tout, le nom, l’ambiance, leur vision, donc je les suis.

 Une dernière question : on aperçoit sur votre site des photos de mystérieux bâtiments dans les Pyrénées, sans adresse et avec peu d’informations. Que sont ces bâtiments et quelle est leur adresse ?

-    Alors ce sont des lodges qui sont cachés dans les montagnes, et on ne peut y avoir accès que par le bouche-à-oreille, donc je ne peux rien dire…

Lodges, Pyrénées, France
Lodges, Pyrénées, France

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